Installé depuis
peu à La Grave, j’attaque mon premier hiver complet dans ce petit village des
Hautes-Alpes. Les conditions de neige n’étant pas là je pars successivement à
Majorque puis en Catalogne pour grimper. Ajoutant à cela quelques passages sur
les falaises encore ensoleillées (Mont-Dauphin et Rocher Maubert) de la vallée,
j’arrive finalement à faire mon retour dans le 8ème degré. Niveau
que j’avais quitté il y a bientôt trois ans ! Ayant une certaine forme
physique et les conditions pour le ski n’étant pas là pour que je commence mon
entrainement pour le probatoire, je décide de faire un peu de cascade. Voilà
les deux journées que qui ont marqué le début de ce mois de Décembre.
Jour 1 : 6 Décembre 2013
Il est 6h du
matin, je pars de ma Drôme natale pour rejoindre mon pays d’adoption. La route
semble longue surtout quand le soleil se lève aussi tard. Arrivé aux Terrasses
je prépare mes affaires pour partir avec Cyril et Manu qui seront mes deux compagnons
de cordée de la journée.
Quelques jours
auparavant, en grimpant dans la Source des Dieux, j’ai été frappé par la
quantité de glace qui se trouvait dans la ligne juste à gauche. En regardant
dans le topo et en consultant les livres vivants du village, j’en conclue qu’il
y a bien une ligne mais qu’elle n’a été faite qu’en mixte et avec très peu de
glace.
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Sur le premier cigare |
Nous buvons un
café et remontons les pentes sous la Colère du ciel puis bifurquons à gauche en
direction de la Source des dieux. Je suis remonté comme un coucou, j’ai du mal
à marcher lentement. Une fois au pied, une petite boule vient se loger dans mon
estomac. La ligne est vraiment impressionnante, une première partie en 3, puis
un fin cigare qui touche très peu, une traversée sur un rideau suspendu et
enfin une remontée de stalactite. Je sais que ce n’est pas très intelligent
mais je ne me voyais pas faire autrement. Donc au lieu de faire la Source pour
m’échauffer, je m’équipe et pars direct dans la ligne de gauche.
La première
partie se passe tranquillement, je discute encore avec mes deux assureurs. Oui
deux car la seule place pour assurer sans être dans l’axe des chutes
potentielles de stalactites est une toute petite banquette complétement à l’opposé
du départ de la voie. En cas de chute avec une stalactite, mon assureur se
verrait projeter dans l’axe des blocs de glace. Pour remédier à ce léger
problème technique nous avons essayé de mettre un point (piton, coinceurs, etc…)
mais rien de tenait dans ce rocher médiocre. C’est encore une fois Cyril qui
trouva la solution. Manu m’assurais en étant vaché à Cyril qui servait de
relais.
La deuxième
partie me fait rentrer directement dans le vif du sujet. J’attaque le cigare,
il sonne un peu creux et ne touche pas sur beaucoup, je décide donc de grimper
dessus mais de ne pas y poser de protection, le run out dure environ 5 mètres
puis j’arrive à placer deux bonne broches. J’attaque la traversée, elle se
déroule sans encombre mais m’entame physiquement.
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Proche de la sortie |
Au bout de la
traversée, je bute contre le stalactite, un rideau de glace m’empêche de me
hisser dessus. A grand coup de pied en arrière, j’arrive à créer une ouverture.
C’est le moment décisif, est-ce que je me hisse sur cette structure éphémère de
glace suspende et pesant plusieurs tonnes ? La réflexion ne dure pas très
longtemps car mes bras ne me soutiendront pas longtemps. J’y vais !
Je tape avec mes
deux piolets dessus, un côté vide l’autre encore à l’intérieur, je décale mes
pied, voilà j’y suis, pendu sur un bout de glaçon. La structure ne fais pas
trop peur, lorsque je tape la glace n’entre pas en résonnance. Il est encore
temps de faire demi-tour. Je réfléchis quelques secondes et je repars vers le
sommet. Un deuxième run out de 4/5m me permet de grimper jusqu’à l’endroit où
le stalactite colle au rocher. Je place une broche très courte pour ne pas
fragiliser l’intégrité de la glace et continue mon ascension. Je me détends un
peu, mes bras sont brulants mais en me reposant je gère la fin de la cascade
comme je peux.
Cette ligne dont
je ne connais pas le nom pour sa version mixte est une des plus belles cascades
que j’ai gravit dans ma courte vie de glaciairiste. Et pour la petite histoire,
l’énorme stalactite sur lequel j’ai grimpé est tombé deux jours après mon ascension.
Juste à titre d’information, nous avons estimé la ligne à 6+.
La version pdf du topo
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Le topo |
La version pdf du topo
Jour 2 : 10 Décembre 2013
Depuis l’année
dernière je vois pendre, sous le pylône n°1 du téléphérique de la Meije, un
certain nombre de stalactites. J’ai entendu dire que des personnes étaient intéressées
par ces lignes. Mais en se renseignant, les lignes sont toujours vierges.
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Dans L1 |
Une nouvelle fois
avec Cyril et pas mal de matériel, dont un perfo, nous nous dirigeons vers le
bas de cette falaise pas très saine. L’approche
est pénible, il n’y pas assez de neige pour skier mais bien assez pour embêter.
Une fois au pied, la courte-paille décide que j’attaque la première longueur.
Un mince cigare sur lequel je ne peux brocher qu’à sa fin puis j’attaque une
rampe couchée mais lisse. Elle se trouve recouverte d’une fine (1 à 6 cm) de
glace. Je grimpe très délicatement sur le placage, des fois il craquelle, d’autres
fois il se fend…
Pour me protéger je n’ai d’autre choix que de placer des goujons dans le rocher. Je remonte la rampe, j’utilise par deux fois mon crochet goutte d’eau et arrive au pied d’un mince cigare qui devrait me conduire à un emplacement de relais. Le cigare ne me permet pas de brocher comme il faut et je grimpe le plus calment possible dessus. Ça passe ! Je pose deux goujons et fais venir Cyril et le sac de hissage.
Pour me protéger je n’ai d’autre choix que de placer des goujons dans le rocher. Je remonte la rampe, j’utilise par deux fois mon crochet goutte d’eau et arrive au pied d’un mince cigare qui devrait me conduire à un emplacement de relais. Le cigare ne me permet pas de brocher comme il faut et je grimpe le plus calment possible dessus. Ça passe ! Je pose deux goujons et fais venir Cyril et le sac de hissage.
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Cyril dans les plaquages de L1 |
A son tour de
grimper, il s’équipe et part au-dessus du relais sur la droite par un léger
toit qu’il passe en artif. Puis il continue en alternant crochés forés et
goujons jusqu’à toucher la glace. Il
essaye par deux fois de se hisser sur le stalactite mais renonce, l’artif et le
perçage à bout de bras l’ont trop entamé pour qu’il puisse grimper sereinement.
Il redescend au relais et je le remplace. Je remonte en A0, jusqu’au bord de la
glace, prend une grande respiration et pars. Droite, gauche je plante
alternativement mes piolets, je remonte les pieds. Mais oui c’est légèrement
déversant, c’est pour ça que ça me chauffe les bras ! Je ne pas brocher
sur les quatre premiers mètres car la glace est suspendue. J’arrive sur une
petite marche, broche à deux reprises et continue tout droit en direction d’un
relais posé quelques années auparavant par Robin Molinatti. Lui aussi avait un œil
sur la ligne. La fin de la longueur est difficile, la glace est très dure et
dès que je tape je fais des assiettes.
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Cyril dans la partie raide de L2 |
Je prends pied sur la petite vire, cris
un grand cou et dis à Cyril qu’il peut venir. Il finira la cascade par une
grande longueur en 3+.
Nous descendons
en rappel, perçons quelques trous pour libérer le A0 et rejoignons le bar du
Lou Ratel pour quelques bonnes bières.
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Le topo |
Merci pour cette super voie que nous avons fait hier, vendredi 13 décembre, avec super Gaetan. C'était que du bonheur.
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